Le célibat des prêtres, un simple fait de droit féodal ?

Publié le par MB

 L’impensable gravité des faits de pédophilie dans l’Eglise, constatés dans le rapport Sauvé, de même que l’homosexualité régnant dans les hautes sphères du Vatican, rapportée dans le livre SODOMA de Frédéric Martel, nous invitent à nous poser la question du célibat « imposé » aux prêtres.

La gravité de ces faits ne peut se limiter au simple questionnement sur le célibat des prêtres.

Néanmoins, le rappel historique de ce célibat imposé, éclaire, et surtout, relativise les positions dogmatiques actuelles sur le sujet...


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« Le drame de la solitude, du sentiment d’être seul, 
se consume dans de nombreux presbytères. »

C'est le 17 février 2022, que le Pape François a récemment prononcé ces mots, sur l’isolement des prêtres catholiques, tenus au célibat sacerdotal.
Il s’adressait à une assemblée de quatre cents prêtres et théologiens réunis au Vatican pour un symposium international sur « la théologie fondamentale du sacerdoce ».


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Le questionnement sur le célibat s'est posé dès le début de la Chrétienté.
 

En effet, au milieu du premier siècle, des chrétiens de Corinthe avaient demandé à Paul, son avis sur un argumentaire simple et spécifique en faveur du célibat… :

« Il est bon pour l’homme de ne point toucher la femme ».


Paul leurs répond dans sa "première lettre aux Corinthiens" (1 Co 7:1-9) :

« Étant donné les occasions de débauche, que chacun ait sa femme à lui, et que chacune ait son propre mari. […]  Ne vous refusez pas l’un à l’autre, si ce n’est d’un commun accord et temporairement, pour prendre le temps de prier et pour vous retrouver ensuite. 

Autrement, Satan vous tenterait, profitant de votre incapacité à vous maîtriser. […]

À ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves, je déclare qu’il est bon pour eux de rester comme je suis. Mais s’ils ne peuvent pas se maîtriser, qu’ils se marient, car mieux vaut se marier que de brûler de désir ».


Faire le choix du célibat, apparaît donc pour Paul, comme l’idéal absolu.


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Le premier concile qui recommande le célibat des prêtres est celui d'Elvire, en Espagne, aux environs de 310. Or, même si la sexualité était déjà considérée par certains comme un obstacle au service sacerdotal, force est de constater que, dans la pratique, cet idéal n’était guère respecté, et nombre de clercs étaient mariés et fondaient une vraie famille.

Plusieurs papes de l’époque furent d’ailleurs des descendants de prêtres ou d’évêques… (Damase Ier (366-384), Innocent Ier (401-417), Boniface Ier (418-422), Félix III (483-492), Anastase II (496-498), Agapet Ier (535-536), Silvère (536-537), Théodore Ier (642-649), Marin Ier (882-884), Boniface VI (896-896), Etienne VII ou VI (896-897), Jean XI (931-935), Jean XV (985-996) et Jean XVIII (1003-1009).


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Mais, au-delà des questions théologiques et pastorales, cela généra des difficultés financières pour l'Eglise, puisque bientôt surgirent de véritables dynasties sacerdotales, héritant des charges ecclésiales et dilapidant les biens d’Église.

 

En effet, de la chute de Rome (476 après J.C.) jusqu'au Moyen-âge féodal (10e siècle après J.C.), l'Église s’était vue dotée de richesses somptueuses et de terres agricoles, du fait des donations et legs divers. Ces biens rapportèrent un argent considérable, car ils étaient loués à des exploitants agricoles, qui payaient en nature (livraison de nourriture et boisson) ou en solides deniers.

Les biens fonciers d'Église étaient alors généralement administrés,

  • par des communautés de moines célibataires qui vivaient en monastère et qui pratiquaient souvent les « bonnes œuvres » (hospices),
  • mais aussi par des nobles d'Église (type comte-évêque) qui, eux, étaient plutôt préoccupés de leur « bonne vie » et de la recherche du luxe ...

Ces nobles d'Église étaient nommés par le pape et faisaient assurer le « service » religieux par des prêtres de paroisse qu'ils nommaient à leur tour.

Les séminaires n'existaient pas, bien entendu, et les curés étaient formés sur le tas.

Or tous ces gens d'Église pouvaient se marier, mais n'avaient pas le droit de donner leur succession à leur héritier mâle, car les places d'évêque et de curé se vendaient, tel une « charge » de notaire de nos jours.

La charge d'évêque s'achetait auprès du Pape et celle de curé (considéré au sens féodal comme un vassal de l'évêque) auprès de l'évêque correspondant. Le coût d'achat de la charge était largement amorti par les revenus qui en découlaient du fait des biens fonciers attachés aux territoires dévolus à l'homme d'Église. Celui-ci vivait de ces revenus.


Ce procédé n'était que l'application au clergé du Droit féodal de l'époque qui prévoyait que les fiefs (biens fonciers) et les titres de noblesse y afférant, pouvaient s'acquérir par voie financière.


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Or un fait nouveau va se produire au cours du XIe siècle : les rois français ont souhaité rendre leur royauté héréditaire et, en échange, ils ont du accepter le principe de la dévolution héréditaire des titres de noblesse et des territoires y afférant.

Tout le monde y trouve son compte : le roi qui est désormais sûr de voir son fils avoir « la bonne place » à son tour et les seigneurs qui bénéficient du même avantage, mais sans risques financiers.

En effet, chaque seigneur peut désormais garantir à son fils aîné, l'obtention postérieure de la place qui était celle de son père, au lieu de devoir l'acheter auprès du suzerain, avec le risque de manquer d'argent à ce moment, ou de voir le dit suzerain vendre le « poste » à l'un de ses copains …


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Donc, la noblesse d'Église, qui devait appliquer le nouveau Droit féodal, aurait dû, elle-aussi, assurer le transfert de ses titres (évêque et curé) par voie héréditaire au décès ou lors du renoncement du titulaire.

Mais cela ne faisait pas l'affaire du pape qui, lui, élu à Rome, devait acheter chèrement les suffrages de ses cardinaux électeurs, s'il voulait « passer » lorsqu'il postulait au « trône de St. Pierre » après la mort de son prédécesseur …

Le pape élu se « rattrapait » ensuite en vendant fort cher les charges d'évêque, car c'était lui et non le roi de France qui détenait le droit de nommer les évêques !

Donc, il fallait que le principe de la vente des « charges » religieuses épiscopales et de paroisse reste de règle, sinon le pape aurait subi une terrible perte financière !


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Le pape et le roi de France tombent donc d'accord pour faire en sorte que les fils de curés et d'évêques soit désormais des « bâtards » et ne puissent prétendre à hériter de leur père.


En effet selon le Droit féodal, le bâtard n'avait droit à rien et ni le roi ni le pape ne se faisaient d'illusions sur la « continence » des hommes d'Église de l'époque. Donc on a interdit le mariage des prêtres et des évêques pour que leurs fils soient des bâtards, dépourvus de tout droit héréditaire.
 

L'opération canonique se déroulera en deux temps :

- 1123, sous le pontificat du Pape Calliste II : le premier Concile du Latran décrète que les mariages avec des hommes d'Église sont invalides.
- 1139, sous le pontificat du Pape Innocent II : le second Concile du Latran confirme le décret du Concile précédent.
 

 À noter un point de droit canonique important :

​​​​​c'est le célibat qui fut imposé aux prêtres et évêques, 
et non la « chasteté »ladite chasteté n'étant de règle que dans les ordres monastiques. 

 

Ainsi, les hommes d'Église conservent le droit d'avoir des concubines, mais n'ont désormais plus le droit de faire reconnaître leur concubine comme épouse dans les registres paroissiaux (les seuls légaux, l'état-civil n'existant pas alors).

En effet, le sexe n'est pas encore déclaré péché mortel à l’époque ;
cela viendra plus tard !

Donc les prêtres et les évêques pouvaient vivre en concubinage, sachant que le produit éventuel de ces amours parallèles n'aurait pas « voix au chapitre » même si c'était un mâle. Il ne pourrait en aucune façon hériter de la charge paternelle.  À la mort du titulaire, cette charge revenait à la vente au bon profit de l'évêque et « in fine » du pape.


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Mais en 1517, Luther va bousculer ce bel ordre établi !

Le principal grief soulevé contre l'Église de Rome par Luther, Calvin et leurs successeurs, est la « paillardise » de ce clergé catholique (y inclus les papes de l'époque) ainsi que le luxe dans lequel il vit.

Au cours des années qui suivent, ce seront les guerres de religion.

Les papes vont alors se lancer dans une terrible lutte d'influence spirituelle pour tenter de regagner leur honorabilité. Il fallait montrer que la Papauté n'avait pas de leçon de morale à recevoir des Protestants.
 

 

Le pape Paul III convoque en 1542 un concile qui restera connu dans l'Histoire sous le vocable de « Concile de Trente », du nom de la ville où il démarra. Après bien des avatars et interruptions successives il s'acheva sous Pie V en 1563.

Ce concile allait avoir pour conséquence première que le sexe était désormais érigé par le pape au rang de péché mortel, au même titre que le meurtre

 

Rappelons que le droit « canon » divise les péchés des hommes en deux catégories : les véniels et les mortels.

  • Les « véniels » sont ceux qui « ne tuent pas la Grâce rédemptrice » et donc ne conduisent pas à l'Enfer automatique si le coupable meurt avant d'avoir pu se confesser. Par exemple, le vol, même avec violence (s'il n'y a pas mort de la victime) reste considéré par l'Église comme un péché véniel …
  • Les « mortels » tuent ladite Grâce (d'où leur nom) et donc impliquent pour le pécheur la condamnation quasi-automatique au supplice éternel de l'Enfer s'il vient à mourir sans s'être confessé. Il s'agit par exemple du meurtre volontaire ou du blasphème.

 

Donc, après les décrets tridentins (Concile de Trente), le sexe hors mariage devenait un péché morteltout comme l'homicide…, et se trouvait donc interdit aux laïques comme au clergé.

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Et, c'est ainsi que depuis le 16è siècle, le célibat des prêtres s’est trouvé ancré comme un principe intangible de l'Eglise catholiqueet ce, encore de nos jours.

 
Le pape François l’a encore répété de manière explicite, en 2019 :

« Personnellement, je pense que le célibat est un don pour l’Eglise.
Je ne suis pas d’accord pour permettre le célibat optionnel. 
Je ne le ferai pas, que cela reste clair.
Je peux peut-être sembler fermé là-dessus mais je ne me sens pas de paraître devant Dieu avec cette décision. »


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Autre rappel historique sur le célibat :

  • Dans l'Église d'Orient dite aussi Orthodoxe, tout aussi vénérable et estimable que celle de Rome, les prêtres appelés « popes » ont conservé le droit de se marier, car cette Église n'est plus concernée par les conciles catholiques depuis la séparation de 1054 imposée par le pape romain.

    Donc dans l'Église Orthodoxe, les candidats-popes mariés gardent leur femme lorsqu'ils accèdent à la prêtrise. Mais s'ils sont célibataires au moment du passage, ils le restent. C'est une coutume, plus qu'une obligation… Si malheureusement ils perdent leur femme, la coutume veut là-aussi qu'ils ne se remarient pas.

    Les évêques sont exclusivement choisis parmi les célibataires ou les veufs.

    Les moines orthodoxes sont tenus au vœu de célibat comme leurs homologues catholiques.
     
  • Les pasteurs protestants sont absolument libres de se marier et de se remarier si leur épouse décède. L'usage « huguenot » veut même que le pasteur (ou la femme-pasteur, cela existe chez eux) soit de préférence marié, car son conjoint le décharge ainsi des taches ménagères…

    En sus, l'épouse du pasteur assume des tâches annexes intéressantes : instruction religieuse des enfants, veille sociale de sa paroisse, visite des malades de la communauté, etc. 


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Cet article est basé sur de très nombreuses réflexions et études sur le célibat des prêtres, consultables sur internet, et en particulier : 

https://www.la-croix.com/Le-celibat-pretres-2-000-ans-dhistoire

https://www.franceculture.fr/pourquoi-critiquer-le-celibat-des-pretres
 

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